Le Pouvoir du Glamour : de l'injonction à l'émancipation
Retranscription du podcast Glamazone Studies – Episode 2

Retranscription du podcast Glamazone Studies – Episode 2
Dans l’épisode 1, nous avons remonté le temps et exploré les origines du Glamour.
Nous avons vu qu’il a longtemps été un outil pour les femmes de classes inférieures d’imiter les classes aisées pour se faire une place parmi les riches afin de s’assurer une vie décente.
Des demi-mondaines parisiennes du 18e au escorts d’aujourd’hui, le Glamour a toujours entretenu un lien étroit avec la féminité, le statut social et l’argent.
Pas de panique, ce podcast n’a en aucun cas pour ligne éditoriale de vous apprendre à être glamour en vous enseignant les bonnes manières aristocratiques ou bien les phrases à mémoriser pour attirer l’homme alpha qui saura nous traiter comme une reine.
Car oui, les recherches généralement associées au Glamour sont majoritairement des conseils pour être une femme féminine et sophistiquée.
Ce n’est pas ce que je propose dans ce boudoir audio et encore moins ma définition d’une véritable Glamazone.
Aujourd’hui, j’ai envie d’aller un peu plus loin en vous proposant de réfléchir autour du lien entre Glamour et émancipation personnelle.
Parce que oui, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, je crois qu’il y en a un. Une forme contestataire de Glamour loin du male gaze, loin des publicités de produits de beauté et des magazines féminins.
Comment peut-on prendre un concept qui a pendant longtemps été un moyen pour les femmes de s’enfermer dans un rôle stéréotypé afin d’accéder aux classes supérieures et en faire un allié de l’expression de soi, voire de contestation ?
À l’heure où les questions d’identité et de justice sociale, comment une idée d’apparence si conservatrice, patriarcale et classiste que le Glamour peut être un outil au service de ces causes ?
C’est cette conviction, cette intuition qui me suit depuis des décennies que je vais tenter d’étayer dans cet épisode et puis au travers du podcast.
Mais avant de commencer à explorer mes propres réflexions, j’ai envie de vous parler de quelques mouvements que je qualifierai de Glamour.
Tout d’abord, je mentionne rapidement de mes racines culturelles : les femmes dans la culture punk et grunge des 80 s j’ai nommé le mouvement Riot Grrl.
Né aux alentours de Boston aux États-Unis, le mouvement prônait dès sa fondation la puissance créative, intellectuelle et spirituelle des femmes à travers des concerts et l’autopublication de fanzines. Ses protagonistes reprenaient possession de l’appellation “Girl”, “Fille” en exprimant une féminité sans compromis.
Aujourd’hui bien plus intersectionnel et multiple qu’à ses débuts, le mouvement riot grrl et le queerpunk proposent où le glamour permet une expression radicale de soi grâce aux artifices du Glamour.
Je pense également à l’esthétique de la bimbo aujourd’hui revendiquée dans certains mouvements queer sur TikTok par exemple. Ici aussi on retrouve une transgression des normes par la réappropriation d’une forme de Glamour jugée futile, trop girlie voir stupide.
Cette liste ne pourrait pas être complète sans au moins mentionner l’univers magique du Neo Burlesque qui se rapproche de l’univers des Drag Queens. Dans ces deux mouvements, on retrouve Glamour, création d’un persona avec un nom de scènes et fortes valeurs d’émancipations.
Enfin, le mouvement de la SAPE congolaise mêle également glamour et revendication. D’abord popularisé à Kinshasa et Brazzaville, la SAPE, d’abord inspirée de l’élégance à la française s’est métamorphosé. Elle est devenue une parodie du colon en exagérant l’élégance de ce dernier.
Puis dans les années 70 s alors que le Congo est sous le joug du dictateur Mobutu Sese Seko et que les codes vestimentaires européens comme la cravate et le costument étaient bannis par la loi d’Abacost, les sapeurs ont porté l’élégance occidentale en signe de contestation.
Aujourd’hui la SAPE s’exprime de plus en plus à travers les femmes, des sapeuses qui s’interdisent de porter le pagne comme le font plus traditionnellement les femmes congolaises.
L’écrivain congolais Alain Mabanckou décrit le mouvement de la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes avec ces mots
“Si d’aucuns perçoivent la Sape (Société des ambianceurs et des personnes élégantes) comme un simple mouvement de jeunes Congolais qui s’habillent avec un luxe ostentatoire, il n’en reste pas moins qu’elle va au-delà d’une extravagance gratuite. Elle est, d’après les Sapeurs, une esthétique corporelle, une autre manière de concevoir le monde – et, dans une certaine mesure, une revendication sociale d’une jeunesse en quête de repères. Le corps devient alors l’expression d’un art de vivre.”
Ce process de dramatisation et de glorification que l’on peut reprendre. Je pourrais échanger des heures sur le lien entre le style, l’auto-glamouriasion comme émancipation et la création des sous-cultures, mais revenons-en au pouvoir du Glamour.
Ce que ces différents mouvements ont en commun, au-delà de présenter une alternative, est de se servir de l’excentricité et parfois de la mystique inhérente au Glamour ainsi que son intemporalité pour sortir du cadre et des codes.
Le Glamour n’est donc pas uniquement matérialiste, mais plutôt un art de vivre.
Le Glamour n’est alors pas exclusivement une question d’apparence, mais de philosophie.
C’est une invitation à baigner dans la beauté de l’existence, à prendre le temps de savourer chaque seconde, à reconnaitre la poésie du Monde et surtout sa propre poésie.
Pour en revenir à sa définition originelle, c’est notre propre capacité presque magique à réenchanter un monde en décrépitude. Parce que c’est là que réside le Glamour véritable, dans notre aptitude à transcender le mondain et le quotidien, à le transformer en expérience mystique sans perdre le contact avec la réalité.
Sans le sens du réel, le Glamour perd alors ses fondations, car il se définit en réaction à ce dernier.
Ce qu’il y a de magique dans l’émotion du Glamour c’est qu’elle est à la fois mystique tout en restant proche de la réalité. Il offre une opportunité d’identification, une porte ouverte vers ce qui est possible.
C’est d’ailleurs ce qui explique notre relation presque toxique aux magazines féminins. Malgré les conseils douteux, les placements de produit culpabilisants et les recettes miracles inutiles, ils dégagent une forme de Glamour en nous faisant miroiter cette vie meilleure que l’on pourrait atteindre par le consumérisme.
Je me suis fait cette même réflexion pour le flexculture que l’on retrouve chez les influenceurs et certains coachs. Ils sont magnétiques, car ils représentent un fantasme que nous souhaitions atteindre. Nous oublions les conditions, les privilèges, le parcours et la mise en scène millimétrée de la vie de ces objets de cultes pour nous concentrer uniquement sur l’aspirationnel.
J’ai donc envie de vous proposer de vous réapproprier votre propre Glamour. De ne plus le déléguer aux médias, aux industries du développement personnel et de la beauté qui vous vendent une version fantasmée de la célèbre, de la meilleure version de vous-même.
On parle de s’émanciper en se réappropriant sa puissance. Je vous invite à vous réapproprier votre glamour et de ne plus le déléguer à sphères élitistes, des canons de beauté, d’intellect ou d’attitude.
Et si vous étiez à la fois l’objet et le sujet de votre propre perception du Glamour ?
Parce que ne l’oublions pas, le Glamour est aussi un puissant vecteur d’espoir et d’émancipation capable de provoquer un enchainement d’actions positives : la décadence Flapper des années 20 a permis d’émuler une forme de liberté durant l’austère période de la Prohibition américaine, le glamour du grand écran des années 1930 a permis aux femmes au foyer d’envisager un monde où elles n’étaient pas leurs propres domestiques et les fashion bals de Harlem des années 1980 ont permis aux hommes homosexuels et aux personnes transgenres de se créer un espace temporaire de transformation et d’acceptation.
Le glamour nous sort de l’expérience quotidienne et rend nos désirs atteignables. Il est promesse de transformation et d’évasion qui nous permet de nous projeter dans de nouvelles identités, imaginant l’idéal dans l’inconnu.
Car elle est bien là la clef du Glamour, en enveloppant la réalité d’un voile de tous les possibles, le Glamour nous permet d’agir sur notre identité.
En sortant des définitions trop duelles d’une société dichotomique, il nous invite à nous réinventer en jouant avec les codes.
Alors, le glamour nous donne-t-il plus de pouvoir ou nous transforme-t-il en objet ? Il est important de rappeler que les femmes pratiquent le glamour, elles ne sont pas simplement l’objet du regard masculin. Et, d’un point de vue historique, les femmes drapées de glamour étaient tout aussi susceptibles d’être considérées comme dangereuses pour les hommes que d’en être les victimes. Le glamour peut représenter l’affirmation de soi, la confiance sexuelle, l’espièglerie, le plaisir et la joie.
Bien évidemment, rien n’empouvoire plus les femmes et les communautés minorisées qu’une bonne éducation, un accès, un emploi justement rémunéré. Cependant, il peut être une étape cruciale dans l’autodétermination, la pratique du self-care et dans le développement de la compassion pour soi comme pour autrui.
Il peut servir de premières marches vers l’émancipation en ce qu’il nous offre l’opportunité de prendre les reines de notre identité, de définir l’image de nous-mêmes, par nous-mêmes et au sein de la société.
Lorsque l’on prend le glamour comme une guide d’art de vivre et non comme une course effrénée contre une image socialement révérée, on se rencontre alors. Les conseils beauté, les injonctions à la performance et à la perfection deviennent obsolètes, car nous devenons les propres artisans de notre valeur.
Virginia Postrel, The Power of Glamour, Libertine,medium, publié le 30 avril 2015, consulté le 12 février 2022,https://medium.com/libertine-collection/the-power-of-glamour-39c87739bd3a.
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